Dans la Comté : Le jardinage vertical dans les Selkirks canadiennes

Auteur : Henry Cusack

Il règne une magie particulière dans les forêts des Selkirks canadiennes. On la ressent dans le doux bruissement de la mousse, la brume qui s'accroche aux rochers et l'écho des cris de joie partagés entre amis au cœur des bois. Au printemps et à l'été derniers, une petite équipe, dont moi, avons puisé dans cette magie et construit quelque chose d'unique. Nous l'avons appelée La Comté – un nom qui s'est imposé aussi naturellement que la mousse que nous avons passé des mois à frotter sur ces murs.

Tout a commencé par la curiosité. On scrutait les falaises aux jumelles depuis l'autre versant de la vallée et on explorait d'anciennes pistes forestières avec des véhicules sous-équipés. Et puis, sans prévenir, on se retrouvait à se frayer un chemin à travers un sous-bois dense, armés de scies à main, de brosses métalliques et d'un optimisme démesuré. Le Shire s'est peu à peu dévoilé : une petite chapelle de pierre gorgée de mousse, nichée au cœur de la forêt tropicale, offrant des voies d'escalade sportive et traditionnelle, allant de balades tranquilles en 5.6 à des passages techniques en 5.12c.

La plupart des grimpeurs se concentraient sur l'ouverture des voies : débroussaillage, pose de points d'ancrage et lutte quotidienne contre la végétation. Mais mon meilleur ami et moi avions une autre obsession. Juste en contrebas de la falaise principale, niché parmi les fougères et les cèdres majestueux, se trouvait un champ de blocs qui semblait vierge. Nous l'avons eu pour nous seuls pendant tout un été ; il est devenu notre terrain de jeu, notre projet et, à bien des égards, notre petit havre de paix.

L'escalade de bloc là-bas offre un contraste agréable avec celle de Revelstoke. Des parois en quartzite qui sèchent vite. Des highballs V0 devenus instantanément classiques, avec juste ce qu'il faut de difficulté. Des arêtes brutes qui vous apprennent l'humilité. Des passages en rétablissement qui vous donnent envie de faire plus de pompes. Et des blocs raides de type board qui vous permettent de vous lâcher comme à la salle de sport — sauf que vous êtes pieds nus dans la terre, avec un sourire d'enfant le premier jour des vacances d'été.

Certains jours, on grimpait jusqu'au crépuscule, puis on s'asseyait sur des crash pads, les doigts écorchés et des gourdes de thé à la main, à parler de techniques d'escalade, d'éthique et du sens de la vie. D'autres jours, on grimpait à peine : on nettoyait, on explorait et on se laissait enivrer par l'air pur de la montagne.

À la fin de l'été, la mousse avait laissé place à la craie et les sentiers étaient bien tracés. Nous avons décidé de marquer le coup avec une grande inauguration : une sortie d'escalade de bloc qui a pris une ampleur inattendue. Le bouche-à-oreille a fonctionné à merveille. Des dizaines de grimpeurs se sont présentés, des habitués chevronnés et d'autres qui tentaient leur toute première ascension en extérieur. Et c'est ainsi qu'une communauté est née.

Désormais, chaque semaine, la séance d'escalade de bloc rassemble la communauté locale. Débutants, grimpeurs confirmés et tous les autres se retrouvent pour partager leurs bons plans, assurer les nouveaux venus et s'encourager mutuellement. C'est devenu un véritable lieu de convivialité pour notre petit milieu d'escalade – et tout a commencé avec quelques amis, des brosses sales et un soupçon de magie de la montagne. Si cette histoire a une leçon à nous apprendre, c'est que l'escalade ne se résume pas toujours aux cotations ou aux ascensions réussies. Parfois, c'est surtout partager des moments conviviaux, une énergie positive et la joie de créer quelque chose que les autres peuvent apprécier.

Et même si nous sommes fiers des voies d'escalade que nous avons ouvertes, ce sont les histoires que nous avons créées qui comptent le plus.